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Avec le réchauffement climatique, la précarité énergétique en été est une réalité.

Avec le réchauffement climatique, la précarité énergétique en été est aujourd’hui prise en compte par les associations qui viennent en aide aux personnes mal logées. Comme le froid, la chaleur entraine inconfort et risques pour la santé. Elle peut être fatale.

« L’été dernier, il faisait 29° nuit et jour dans la maison. On dormait très mal et avec un enfant asthmatique, c’était vraiment difficile. On utilisait un petit climatiseur dans la journée. En juillet et août, ça nous a coûté 400 euros de consommation électrique, on n’avait pas imaginé ça… » avoue Patrick, propriétaire modeste d’une maison de 124 m2 en banlieue de Lyon acquise il y a 14 ans. Une maison datant des années 80, très mal isolée. « On nous a orientés vers l’association Soliha et grâce à elle, on a pu faire les travaux d’isolation, avec un reste-à-charge minime. C’était flagrant qu’on ne pouvait pas rester comme ça. Le chantier s’est terminé en avril, on sent déjà la différence. On respire mieux, c’est ventilé. On attend l’été sans crainte car on pourra utiliser la ventilation pour se procurer de l’air frais. » Isolation des combles en ouate de cellulose, pose d’une VMC double flux, chauffe-eau solaire… Au-delà du dossier de financement et des travaux, l’accompagnement de Soliha a également consisté à expliquer les bons gestes pour réduire au maximum l’inconfort du couple et de ses 4 enfants. « Le confort d’été est une question que l’on traite désormais. Baisser la température d’un logement de 2 ou 3 degrés pendant une canicule, ce n’est pas rien, surtout en milieu urbain. C’est aussi un sujet d’actualité car la tendance est à la surconsommation de climatiseurs bas de gamme qui n’apportent pas de résultat probant, augmentent les consommations des ménages et sont néfastes pour la planète. C’est pour cela que nous insistons beaucoup sur l’information et la prévention, en travaillant notamment avec l’Agence locale de l’énergie et les collectivités locales », précise Delphine Agier, directrice de l’association Soliha Rhône et Grand Lyon. En 2020, selon l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME), la climatisation a en effet été responsable de près de 5 % des émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur du bâtiment.

Partout, des besoins

En 2024, 450 visites de logements énergivores seront effectuées dans la métropole lyonnaise, contre 300 prévus en 2023. « On essaye de faire du « cousu-main », de s’adapter à chaque situation pour réduire les factures et l’inconfort. Dans les maisons des années 80 où il n’y a aucune inertie, où les isolants sont vétustes, il y a un vrai vécu d’inconfort l’été aujourd’hui, que les habitants n’avaient pas avant », note Yannick Thizy, technicien à Soliha, qui a réalisé le diagnostic et suivi le chantier au domicile de Patrick. Après deux mois de travaux, la maison va permettre à ses occupants de réaliser plus que des économies : « Je suis en réinsertion professionnelle depuis 2021, ma femme souhaitait garder des enfants à domicile pour augmenter nos revenus, mais avec l’état de la maison, elle n’avait pas obtenu l’agrément. Avec la ventilation et l’isolation des combles, les moisissures ont disparu. On va refaire un dossier, cette fois-ci, ça devrait marcher », explique Patrick.

Dans le Finistère, Céline, la quarantaine, habite un petit bourg touristique, dans la maison familiale où se sont suivies plusieurs générations. « Dans la véranda, c’est infernal. J’ai plus de 40° dans la journée et les meubles anciens dont j’ai hérité se sont beaucoup abîmés. J’ai mis des rideaux, mais ils ne sont pas occultants car c’est une pièce de vie pour moi, je ne peux pas m’en passer. J’ai fait des demandes de financement pour faire des travaux, j’attends », précise l’ancienne technicienne en économie sociale et familiale en recherche d’emploi.

À Montpellier, Laura, 24 ans, connaît le même problème avec la véranda de l’appartement où elle vit en colocation : « Avec l’arrivée de l’été, on a la pression, les murs commencent déjà à se réchauffer. On doit trouver des couvertures de survie pour la véranda et des rideaux occultants thermiques entre la véranda et le salon. Ils coutent très chers pour nos revenus d’étudiants et mon RSA, presque un demi loyer."

Premiers touchés

Un récent sondage réalisé pour France Energie notait que 54 % des 18-24 ans souffraient systématiquement ou souvent de la chaleur dans leur logement, contre 37 % de la population, en moyenne. Retour dans le Rhône où les personnes âgées, particulièrement vulnérables aux températures extrêmes, sont de plus en plus nombreuses à venir chercher de l’aide auprès des élus qui les orientent vers les services de l’État et les associations. « Les collectivités locales sont très impliquées, mais il y a un vrai travail à faire auprès des plus précaires. Les retraités, par exemple, qui sont victimes d’un effet ciseau : ils ont une perte de revenu au moment où leur maison, en termes d’isolation, commence à être vétuste. C’est pour cela que nous intervenons le plus globalement possible : on isole les combles, mais on doit penser aussi à la végétalisation près des baies vitrées, à la pose de ventilateurs, de volets occultants et motorisés faciles à utiliser. On regarde aussi l’état des équipements électroménagers », note Joseph Clémenceau, responsable Pôle technique, à Soliha.

« J’ai un grand congélateur car dès que je vois des promotions, j’en profite. On m’a dit qu’il consommait beaucoup, le joint étant fichu. J’ai compris que ce que je gagnais d’un côté, je le perdais de l’autre », explique Ammar, 72 ans, ouvrier d’entretien dans une école proche de l’appartement que lui a légué son père, dans le 1er arrdt de Lyon. « J’avais plus de 30° la nuit chez moi, c’était très dur de respirer. J’avais acheté des ventilateurs, mais ça ne faisait pas grand-chose. Dans cet ancien atelier textile, il n’y a jamais eu d’isolation. C’est la Métropole qui m’a orienté vers Soliha et avec l’aide de la Fondation, ils ont changé les fenêtres, isolé les murs ; j’ai aussi une chaudière au gaz toute neuve. Je vais faire des économies, c’est sûr. Quand je le pourrai, j’achèterai des plaques à induction, pour qu’il y ait moins de déperdition de chaleur. »

Vigilance et solidarité

En Gironde, dans le cadre du Service local d’intervention pour la maitrise de l’énergie (SLIME), le suivi des ménages est prévu pendant un an et les résultats évalués. Dès le 1er contact, des kits sont distribués pour réduire les coûts énergétiques et l’inconfort (joints, boudins de porte…). 1000 visites ont été effectuées en 2022. « De nombreuses situations de mal-logement sont constatées dans le cadre du SLIME. Les bailleurs se limitent souvent à des travaux de rénovation sans inclure la performance énergétique globale. Afin de favoriser le passage à ces travaux, nous mettons en place un fonds d’aide en 2024, complémentaire aux aides existantes de l’Anah, qui impose le recours aux énergies renouvelables et aux matériaux d’isolation biosourcée, ces derniers améliorant notamment le confort d’été des occupants », précise Guillaume Clerc, chef de projet précarité énergétique à la Direction de l’Environnement de Gironde.

Intervenir globalement sur le bâti, suivre les occupants au-delà des travaux : une priorité aussi à La Réunion où l’habitat traditionnel se caractérise par un toit de tôle et des murs en bois ou béton. Sur l’île, 70 % des projets de réhabilitation menés par l’association des Compagnons Bâtisseurs comporte un volet de lutte contre la précarité énergétique. « Nous sommes lanceurs d’alerte sur ce sujet auprès de nos partenaires et nous sensibilisons les occupants sur le risque pour leur santé et la nécessité d’agir à leur niveau, de changer leur mode de vie. Ici, on peut avoir des factures de 3000 euros/an pour l’électricité car les appareils sont vieux et énergivores et qu’ils restent très souvent en veille », note Florence Clairambault, coordinatrice territoriale aux Compagnons Bâtisseurs. En plein été, les températures atteignent désormais 38°, avec une moyenne de 35° jusqu’à 20 heures. Comme à Saint-Paul, où depuis plusieurs étés, Louis, 56 ans, a l’habitude de trouver refuge sous le gros arbre de son jardin. En novembre 2022, les Compagnons Bâtisseurs sont intervenus chez lui, dans le cadre du fonds mutualisé de la communauté d’agglomérations de l’Ouest, regroupant 5 communes, l’État et plusieurs partenaires, dont la Fondation. Le toit a été isolé par l’intérieur, les fenêtres changées et les anciennes jalousies remplacées par des volets. 8 chantiers de ce type ont été réalisés en 2022, 17 sont programmées en 2023.