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Du mal-logement au bien vivre

Multiforme et mouvant, l’habitat indigne continue de sévir en ville et à la campagne. Plus d’un million de personnes en sont victimes.

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photo famille de manon

Bienvenue dans le Maine-et-Loire, chez Mélusine. « Cette maison, c’est 2 ans de recherches, je ne trouvais rien dans mon budget. Pour l’acheter, il a fallu faire un gros effort et je savais que ce ne serait pas le dernier : l’assainissement, le toit, les fenêtres en simple vitrage, la salle d’eau... J’avais prévu de faire des travaux toute seule, petit à petit. En attendant, on vivait avec parfois 5° dans les chambres en hiver avec ma mère et ma grand-mère… on est des dures à cuire ! Mais quand j’ai été licenciée en 2009, faire moi-même, ça n'a même plus été possible », avoue la propriétaire de cinquante ans, qui a acquis une petite longère à Saint Lambert-du-Lattay, en 2005. « Aujourd’hui, ma grand-mère est en maison de retraite, ma mère l’aide financièrement. Moi, je fais tous les petits boulots que je peux trouver. C’est ma voisine qui m’a dit que je pouvais être aidée, « Soliha » est venu faire un diagnostic et m’a conseillée de tout faire en même temps, j’avoue que j’ai passé quelques nuits blanches, cela me faisait peur. Même si j’étais accompagnée pour monter le dossier de financement, c’était compliqué, il y avait beaucoup de papiers à faire, d’entreprises à solliciter… … j’ai failli arrêter. Pour moi, changer les fenêtres et la porte, cela suffisait ; on aurait déjà senti la différence. Seule, je ne me serais pas permis plus », explique Mélusine qui ajoute : « En plus, je ne pouvais rien emprunter de mon côté, avec le prêt de la maison. Finalement, des amis m’ont aidée pour le reste-à-charge. Aujourd’hui, le chantier est fini, tout a été payé ou remboursé, c’est un vrai soulagement pour moi ! »


Isolation du toit et du mur Nord, fenêtre en double vitrage, chauffage central… les travaux ont duré 9 mois et ont été conçus pour assurer une rénovation thermique globale de la maison prise en charge par « Procivis Ouest » qui a avancé les financements publics et géré toute la facturation. « Notre métier, c’est l’accompagnement financier : on explique le financement, on le sécurise et on rassure ainsi les ménages. Dans les cas les plus précaires qui représentent 20 % de nos dossiers, nous allons jusqu’à proposer des prêts à taux 0 sans frais sur le reste-à-charge des ménages. On voit beaucoup de situations de précarité énergétique inexistantes il y a encore 5 ans, avec des travaux lourds car il s’agit de rénovation globale. Depuis 2020, avec le dispositif « MaPrimRenov’ » notamment, l’État a bien impulsé une dynamique qui pousse les collectivités locales à lutter contre l’habitat indigne, mais l’identification des ménages doit être améliorée. On doit avoir plus de finesse pour mieux répondre aux besoins ; l’habitat indigne en ville ou à la campagne, ce n’est pas la même chose », précise Yannick Borde, Directeur général de Procivis Ouest Immobilier, conventionné avec l’État depuis 2008. Entre 2023 et 2030, 500 millions d’euros seront dédiés à l’accompagnement des propriétaires occupants modestes par le réseau Procivis dans toute la France.

Pour qui ? Pour quoi ?
Lutter efficacement contre l’habitat indigne, c’est aussi agir en amont, en identifiant par exemple la qualité de l’offre de logements sur le marché locatif. Direction Montpellier, 3e métropole la plus chère de France en termes de logement. Pour réduire la crainte des propriétaires bailleurs, de se lancer dans « l’aventure » d’un chantier coûteux, la Ville a ouvert à titre expérimental une permanence téléphonique spécifique, en partenariat avec des associations locales. Depuis huit mois, celle-ci vise à approcher les propriétaires, les renseigner et simplifier leurs démarches dans le cadre du conventionnement de leur logement avec l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (Anah). « Nous voulions toucher ce public afin de pouvoir mobiliser rapidement un parc locatif décent à loyer modéré pour les ménages modestes. Nous renseignons les propriétaires sur les aides publiques dédiées à la rénovation et si le logement est décent, nous les proposons aux ménages qu’accompagnent nos associations. L’objectif est également de réduire la sectorisation qui existe entre le logement, la rénovation et les ménages en difficulté », précise Pauline Gazave, responsable de la permanence.

Bien loin de Montpellier, dans le Nord-Cantal, une autre initiative d’ « aller vers » destinée à la population locale a été mise en place pour résorber l’habitat insalubre. Si la tension sur le marché du logement à la location ou à la vente est quasiment inexistante dans cette zone montagneuse et rurale, la question de la fin de vie dans des conditions d’habitat dignes revient souvent. De nombreux agriculteurs à la retraite n’ont en effet jamais entretenu leur maison durant 50 ans de carrière, vivant toujours dans des conditions très sommaires. Pour eux, l’association départementale Soliha a développé un programme dédié, en lien avec Procivis. « On intervient dans des toutes petites communes de moins de 100 habitants, où l’information concernant les aides ne circule quasiment pas et où les artisans sont très peu nombreux », précise Claire Gozard, directrice de Soliha Cantal qui gère quelque 350 dossiers par an, dont les 3/4 sont des réhabilitations accompagnées. « Souvent, il y a un problème de reste-à-charge que l’on découvre au dernier moment… l’aide de la Fondation nous est très précieuse dans ces cas-là ! »

Aider jusqu’au bout
Avec le déplafonnement des aides de l’Anah en 2024 au-delà de 70 000 euros, de nombreuses situations aujourd’hui bloquées devraient aboutir plus rapidement, à l’instar de celle de Manon, la trentaine, qui s’est installée en Picardie il y a 3 ans, dans le village natal de son mari, au sud-ouest d’Amiens. Une maison de 45m2 inhabitée depuis deux ans ; pas de salle de bains, de toilettes ni d’eau chaude ; un vieux poêle ; l’électricité et la toiture vétustes. « On s’est dit en achetant, on en prend pour 10 ans, mais on n’est pas les premiers ; après on sera bien. On avait économisé en vivant pendant 3 ans en caravane pour pouvoir payer cash et on savait qu’il faudrait continuer à faire très attention par la suite, pour tout rénover ». Grâce à l’accompagnement du bureau d’études « Page 9 », le jeune couple a pu bénéficier des aides de l’Anah, du Département, de la Région et de la communauté de communes, dans le cadre de la sortie de vacance du logement. En 5 mois, il est prévu que la maison insalubre devienne viable et confortable, avec une surface habitable doublée grâce à l’aménagement des combles. Avec à la clé et pour la 1re fois, un soutien financier jusqu’à la toute dernière finition. « La Fondation nous apporte une aide financière en deux temps, pour la réhabilitation puis pour l’ameublement et les travaux de finition que nous réaliserons nous-mêmes. Nous aurons une maison confortable, complètement finie et qui nous correspondra totalement », confirme la jeune maman qui vit pour l’instant avec son mari chez ses beaux-parents, à quelques km de là. À terme, le ménage aura financé 30 % de la rénovation globale de son domicile… un reste-à-charge assumé qui leur permet en plus de lancer leur activité maraichère sur la commune, ce printemps. « C’est tout un projet de vie qui se concrétise ! »

Lire le journal : Et les autres ? n°123

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